Que pensez-vous du programme de l’Olympic intitulé “Une femme dans le cinéma : Nicole Stéphane” ?
Georges Franju : J’ai assisté à la première séance où l’on présentait des extraits des films qu’elle a faits comme productrice ou comme interprète. C’est très beau, très poétique, et la façon dont l’ensemble est présenté est une œuvre d’art en soi. On voit bien la diversité des orientations de Nicole Stéphane, et on se rend compte que dans cette diversité elle a pleinement réussi, avec beaucoup d’épanouissement, surtout dans cette carrière qu’elle a interrompue et qui aurait dû être la sienne, sa carrière d’interprète. C’était une très grande comédienne.
Comment vous est-il venu l’idée de lui faire jouer le rôle de Marie Curie dans votre court métrage Monsieur et Madame Curie ?
Georges Franju : J’ai toujours été frappé par le regard de Nicole. J’avais vu une de ses photos dans un annuaire. Comme disait Madame Irène Joliot-Curie, “Personne ne peut ressembler à ma mère, mais Nicole Stéphane pouvait être l’interprétation lyrique et cinématographique de ce qu’elle était, et surtout de son génie”. Son génie est d’avoir révélé la radioactivité. Il s’agissait de faire passer dans le regard de Nicole l’émerveillement de Marie Curie lorsqu’elle a découvert le radium, ce métal qui luisait dans le noir.
Pourquoi tourne-t-on si peu de films fantastiques en France ?
Que pensez-vous de la production actuelle ?
Georges Franju : Le cinéma est mort à partir du moment où il est descendu dans la rue. On a placé le mystificateur sous le regard du mystifié. Le mystifié n’y croit plus et se dit : “C’est donc ça, le cinéma !” On a détruit le temple du cinéma qui était le studio. Silence, on tourne… Interdiction. Tout le monde peut faire du cinéma, c’est ça le drame. C’est pareil pour le théâtre. La prolifération des cafés-théâtres l’a tué. Autrefois il y avait Vilar à Avignon, maintenant dans toutes les rues d’Avignon il y a du théâtre. Les spectacles ne sont plus drôles, c’est un reflet de l’angoisse ambiante de notre époque. On ne voit plus sur scène que des spectacles tragiques, caricaturaux. La musique, elle aussi est décadente. Elle a rejeté la mélodie et l’harmonie. On fait une musique beaucoup plus émotionnelle qu’émouvante. Autrefois, les musiciens comme les peintres, partaient d’une émotion pour arriver à l’expression. A partir du moment où il n’y a plus l’émotion, il n’y a plus que l’expression et, comme on dit, une recherche. Une recherche sur l’expression n’aboutit pas à la création. On n’ose même plus parler d’inspiration. Il n’y a plus d’inspiration, il n’y a plus que des conceptions. On ne crée plus, on conçoit. On parle de spontanéité dans un monde où jamais les choses n’ont été aussi peu spontanées. Si la recherche scientifique, elle, ne risque pas de régresser, la recherche artistique, par contre, est un non-sens. Jamais elle n’aboutira à la création. On crée des instituts de recherche. Ce que fait l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) en matière de dessin animé est moins bon que ce que faisait Emile Cohl en 1902. Il avait créé le dessin animé. On ne peut pas recommencer. Ce qui sauve le cinéma, c’est qu’il faudra toujours des comédiens, une histoire, qu’on le veuille ou non, un appareil de prise de vue, et un écran, petit ou grand.
Vous avez tourné un film publicitaire pour Aspro en 1970. Aimeriez vous refaire de la publicité ?
Georges Franju : Oui, pourquoi pas. C’est d’abord extrêmement bien payé pour un travail qui ne demande pas beaucoup d’efforts et dont le risque n’est pas grand, le nom du réalisateur n’étant pas crédité. Comme ce film touche au domaine médical, on a éprouvé le besoin, avant de me confier Aspro, de visionner La tête contre les murs.